
EBSP : Washington veut accéder aux données biométriques des Européens
La Commission européenne vient de franchir une étape sensible.
Le 23 juillet 2025, elle a proposé au Conseil d’ouvrir des négociations avec Washington pour un accord-cadre sur l’échange d’informations liées aux contrôles aux frontières et aux visas.
Derrière ce vocabulaire technique se cache un enjeu très concret : les États-Unis réclament un accès direct aux données biométriques détenues par les États membres de l’Union européenne.
Bruxelles prête à ouvrir ses bases biométriques aux États-Unis ?
Depuis 2022, Washington pousse ses partenaires à signer ce qu’il appelle l’Enhanced Border Security Partnership (EBSP).
L’accord est présenté comme un outil de coopération sécuritaire pour renforcer la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et les flux migratoires. Mais la pression est claire : pour rester dans le programme d’exemption de visa, qui permet aujourd’hui aux citoyens européens de voyager sans visa aux États-Unis, il faudra signer un EBSP d’ici la fin de l’année 2026. Dès 2027, ce critère pèsera dans l’évaluation des pays participants.
Concrètement, l’accord porterait sur le partage d’empreintes digitales et de données faciales conservées dans les bases nationales des États membres. Selon plusieurs sources spécialisées comme Statewatch et digit.site36, il ne s’agirait pas seulement d’un simple échange ponctuel, mais d’un accès « profond », quasi automatisé, aux fichiers européens par les agences américaines. C’est précisément ce qui inquiète : une fois ces informations copiées outre-Atlantique, l’Union perd tout contrôle sur leur usage, d’autant que la protection des données personnelles aux États-Unis varie selon les agences et reste très inégale pour les étrangers.
Bruxelles tente de rassurer. La Commission affirme que les négociations devront inclure des garanties strictes. Les données ne pourraient être utilisées qu’à des fins de sécurité publique et de lutte contre les infractions graves, avec une durée de conservation limitée et des voies de recours pour les citoyens concernés. Elle promet également une réciprocité : l’Europe demanderait un accès équivalent aux bases américaines. Mais ces garde-fous restent théoriques. L’expérience des précédents accords transatlantiques invite à la prudence : le Privacy Shield, par exemple, avait été invalidé par la Cour de justice européenne, mais il avait pourtant continué à fonctionner des années avant d’être renégocié.
Le calendrier rend l’enjeu encore plus brûlant. Le 12 octobre 2025, l’Union européenne déploiera progressivement son Entry/Exit System (EES), qui collectera systématiquement empreintes et photos faciales de tous les voyageurs non européens franchissant ses frontières. Avec environ 265 millions de passages annuels, ce nouveau système créera une immense base de données dont la valeur stratégique est évidente. Washington ne cache pas son intérêt, et Bruxelles sait que la tentation d’en concéder l’accès sera forte.
La question n’est donc pas seulement diplomatique ou technique. Elle touche directement à la vie privée des citoyens. Si les États-Unis obtiennent un accès direct aux bases biométriques européennes, que restera-t-il du contrôle des Européens sur leurs propres données personnelles et de la promesse de protection des libertés fondamentales au sein de l’Union ?
Entre sécurité et libertés, entre coopération transatlantique et souveraineté numérique, la bataille de l’EBSP ne fait probablement que commencer.
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